Ancien soigneur animalier devenu chercheur en primatologie, Virgile Manin nous parle de son métier et de l’importance de la préservation des espèces animales dans le monde.

Ancien soigneur animalier devenu chercheur en primatologie, Virgile Manin nous parle de son métier et de l’importance de la préservation des espèces animales dans le monde.
Je suis titulaire d’un master en biologie de la conservation, avec des bases en biologie cellulaire et biologie des populations.
Je suis actuellement basé dans une station de recherche en Côte d’Ivoire où je suis des chimpanzés d’Afrique de l’ouest. Je collecte des informations sur leurs interactions sociales.
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fasciné par la diversité du vivant et par sa capacité adaptative à vivre dans des milieux naturels qui sont parfois hostiles. Petit, je voulais devenir vétérinaire car pour moi il n’existait pas d’autre métier qui vous place aussi près des animaux.
Dans le cadre de mes études, mon expérience de soigneur animalier a été très courte. Je suis resté 8 mois en poste, mon parcours m’ayant permis de devenir la référence « bien-être animal » du parc zoologique de Mulhouse où je travaillais.
Je dois avouer que ce n’était pas mon choix initial, mais plutôt un concours de circonstances. Je devais partir au Congo travailler pour une ONG mais la pandémie Ebola de 2015 m’en a empêché. Je me suis donc tourné vers la captivité. Mais il m’était impensable de travailler auprès d’une autre espèce que les primates.
Je sais que cela peut paraître un peu cliché, mais ils sont pour moi les animaux que nous comprenons le moins bien et qui, pourtant, ont le plus à nous apprendre sur notre histoire.
Nous avons encore beaucoup à découvrir sur la complexité et la diversité des systèmes sociaux, la diversité d’habitat où ils sont présents, la ressemblance avec certains traits humains…
Comme toutes les espèces de grands singes, les chimpanzés sont menacés d’extinction. Certains pays ont même déjà perdu l’ensemble de leurs individus. La plus grande menace qui pèse sur eux est humaine.
Le fait de suivre ces groupes de singes au quotidien permet, en premier lieu, de sensibiliser les populations alentours sur leur condition. De plus, notre seule présence en forêt limite les activités illégales dans la zone de recherche.
Ceci a non seulement un impact positif sur les chimpanzés, mais aussi sur toutes les autres espèces animales qui partagent leur territoire.
Au parc zoologique, nous travaillions étroitement avec les plans d’élevage européen (EEP). Nous organisions aussi des journées de sensibilisation pour le grand public.
Mon travail actuel ne m’autorise plus à participer directement à leur protection. Mais aller à la rencontre des villages alentours dans ce projet nous permet d’avoir un impact positif sur les nouvelles générations, en termes d’éducation, d’information et de sensibilisation. Sur le long terme, cela aura un plus grand impact que la sensibilisation faite en Europe !
Les soigneurs sont les personnes les plus enclines à promouvoir la conservation des espèces car ils sont directement en contact avec le grand public, avec un langage compris par tous.
Nous, chercheurs, nous travaillons sur des sujets poussés et qui peuvent, souvent, échapper aux non spécialistes. De plus, les résultats publiés ne sont pas souvent ouverts au plus grand nombre. C’est là que la « vulgarisation scientifique » des soigneurs intervient et valorise nos recherches.
La liste serait trop longue. Évidemment, les pays d’Afrique et d’Asie du Sud-est sont les plus connus, mais nous faisons face à des extinctions à grande échelle, même en Europe.
Dans le contexte écologique actuel, il me semble important que tous les pays s’assurent de former des experts locaux. Notre devoir est d’aider les pays où les espèces charismatiques sont menacées (les gorilles au Congo, les orang-outans en Indonésie…) à fournir une éducation de qualité concernant les problématiques écologiques.
Ne pas inclure les « cerveaux » locaux dans nos démarches serait comme se battre dans le vide. Je pense que si la population locale prend conscience de l’état d’urgence et de l’importance de ces espèces pour leur développement et leur survie, le plus gros du travail sera fait.
Quand je partageais mon expérience et mes idées en termes de conservation, je ne recevais que des réponses fatalistes. On me disait que, peu importe ce que je ferais ou comment je le ferais, ce combat était perdu d’avance…
Je conseille vivement à ces gens-là de se renseigner sur la légende du colibri. La première fois que je l’ai entendu c’était de la bouche de Pierre Rabhi et je dois dire qu’elle ne m’a jamais quitté.
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Vous pouvez suivre Virgile sur Twitter ou le contacter par mail à virgile_manin@eva.mpg.de
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